Rencontre avec Marco Houwen, entrepreneur en série, à propos de l’innovation dans le secteur financier
Marco, tu reviens de la conférence Money 20/20 à San Francisco qui est la plus grande conférence autour de la transformation du secteur financier au monde, avec plus de 11000 participants. En quoi est-ce un évènement incontournable ?
Cette conférence est très importante car elle réunit des acteurs de tous les secteurs de l’écosystème financier, des sociétés de toutes les tailles et beaucoup de décideurs.
Les sujets évoqués autour de l’innovation dans le secteur financier étaient innombrables, des dispositifs de paiement dans les magasins jusqu’aux coffres fort numériques pour enfants. Les workshops étaient particulièrement intéressants, notamment grâce aux deux concours de start ups. Les pitchs ont été très dynamiques et les équipes ont pu échanger avec tous les investisseurs Fintech présents sur place.
Quel est le sujet qui t’a le plus marqué ?
Aujourd’hui il y a une effervescence autour du Bitcoin, que j’appelle « the biggest real life proof of concept ever ». Il vise à remplacer le système financier classique et c’est ce qui l’empêchera d’évoluer: Cependant les signes vont plutôt dans la direction d’une intégration de la technologie sous-jacente au Bitcoin, le Blockchain, dans les environnements bancaires. La révolution prendre un peu plus de temps!
Quelles sont d’après toi les tendances à suivre dans le domaine, les « next big things » ?
A la conférence j’en ai cerné deux :
- Il y a tout un écosystème qui se créé autour des cartes cadeaux et cartes de fidélité, qui répond à une un problèmatique aux Etats Unis : ils en ont énormément, cela leur prend beaucoup de place, et rien n’est digitalisé. On voit des modèles avec des bourses d’échanges de points, convertibles en argent, etc, c’est impressionnant ! Par contre ce n’est pas forcément pertinent en Europe car le marché n’est pas aussi important.
- Le deuxième fait déjà parler de lui sur le marché européen mais va devenir de plus en plus intéressant : le système de prêts financiers va être révolutionné, vu la facilité de faire des prêts maintenant, par exemple avec le peer to peer. Il y a plusieurs modèles envisageables, avec ou sans la participation des banques, et un vrai potentiel à développer. Cela pourra dynamiser l’accès aux prêts et en même temps adresser une problématique latente en Europe : les banques toujours plus réticentes à accorder des prêts, aux jeunes sociétés par exemple.
Quel a été ton ressenti par rapport à toutes ces innovations en tant qu’entrepreneur ?
Ce n’est qu’un début ! Il y a beaucoup à faire, c’est très technique, on fait face à un monde extrêmement régulé et à réinventer. Cela prend donc beaucoup plus de temps mais c’est inévitable. D’après mon expérience, quand il y a une innovation qui optimise les coûts ou les processus, elle va être mise en place, même si cela peut prendre du temps.
Quelle place l’innovation a-t-elle dans le secteur financier ?
Tous les grands acteurs du secteur financier sont conscients qu’il y a une évolution en cours. La plupart de ces sociétés sont intéressées, de près ou de loin, par ces évolutions, et certaines ont même commencé à utiliser certaines de ces nouvelles technologies pour optimiser leur environnement. Mais on reste dans l’éternel paradigme : dès qu’une innovation bouscule un marché, les acteurs n’ont pas forcément la réactivité et l’adaptabilité nécessaires pour adopter ce changement. Par exemple, si Amazon décide demain de distribuer des fonds, même la très forte place financière des fonds au Luxembourg sera en danger. Au final, l’intérêt est là, mais il reste encore du chemin à faire pour les banques, assurances et l’industrie des fonds.
Quelles sont les opportunités au Luxembourg, grande place financière ?
Le Luxembourg a indéniablement du savoir-faire autour des fonds, des banques et des outils de financement, et a l’opportunité de l’utiliser pour créer de l’innovation de l’intérieur. La question est de savoir comment et quand cela va se faire ! Il y a plusieurs bonnes initiatives actuellement dans ce sens, notamment la House of Fintech, en cours de création par Luxembourg for Finance et la Chambre de Commerce.

Est-ce facile de financer une start up en Europe et particulièrement au Luxembourg ?
L’argent pour financer l’innovation ne manque pas en Europe. Ce qui manque, c’est la volonté de vouloir financer des start ups, des nouvelles idées, avec le risque de perdre de l’argent. C’est un problème de mentalité. Les levées de fonds VC, trop bien négocier par les vC’s, amène une grande dilution des fondateurs à un stade précoce, ce qui pénalisent les prochaines levées de fonds et empêche l’émergence de “unicorn”. C’est un cercle vicieux ! Avec cette approche, en Europe on n’a pas la possibilité de créer le prochain Facebook. Le seul moyen de changer cet état de fait est de créer de la compétition au niveau des possibilités de financement.
Managing Partner chez BHS, Marco Houwen est résident et membre actif de la communauté nyuko.