Pouvez-vous résumer en quelques mots le rôle de l'association?
Notre mission est l'éducation à l'entrepreneuriat, et nous la déclinons en deux axes: premièrement faire découvrir l'entrepreneuriat aux jeunes pour qu'ils la considèrent comme une option de carrière, une alternative viable au schéma traditionnel, et deuxièmement promouvoir et développer cette attitude entrepreneuriale parmi les jeunes, pour qu'ils puissent l'appliquer à leur future vie professionnelle, quelle qu'elle soit.
Pour remplir ces deux objectifs, nous avons 11 programmes éducatifs que nous proposons dans les écoles, pour des élèves entre 9-10 ans et 25 ans.
D'après vous, qu'est ce qui retient les jeunes de se lancer dans l'entrepreneuriat?
Je vais être assez classique, mais le plus gros facteur c'est l'Etat. La majorité de la population luxembourgeoise y travaille, car il leur propose un salaire très attractif et une facilité d'emploi. L'entourage de l'enfant est très important dans son choix de carrière: s'il a des parents fonctionnaires, des professeurs fonctionnaires, la voie est toute tracée... Il ne cherche pas à connaitre les possibilités ailleurs, dans le privé ou l'entrepreneuriat. Par ailleurs, le risque et l'échec sont encore assez mal perçus et les étudiants vont donc chercher la sécurité.
D'un autre côté, la nouvelle génération est beaucoup plus active, et on voit qu'ils ont envie de participer. Mais il faut leur en donner les moyens! Les résultats de nos programmes sont assez impressionnants, mais les jeunes n'ont pas forcément la possibilité ensuite de créer quelque chose. Il faudrait plus les encourager et leur donner les moyens de découvrir ce qu'ils sont capables de faire.
L'entourage de l'enfant est très important dans son choix de carrière.
Y a-t-il une tranche d'âge qui semble plus intéressée que les autres?
Toutes les tranches d'âge montrent un certain intérêt pendant nos interventions. La différence majeure est que les plus jeunes sont beaucoup plus libres dans leur façon d'aborder les choses, ils n'ont pas encore été "formatés" pour pense d'une certaine façon, et c'est aussi pour ça qu'il est très important d'intervenir à cet âge-là. Les échanges en sont très enrichissants.
Mais de manière générale les élèves ont tous un fort potentiel et nous essayons de les accompagner à temps pour qu'ils puissent le développer, ce que l'éducation traditionnelle ne leur permet pas forcément. C'est un long processus tout au long du chemin éducatif classique.
Avez-vous connaissance de vocations d'entrepreneur créée par vos programmes?
Nous entendons souvent des "success stories", et nous sommes actuellement en train de structurer la mise en place d'un réseau d'alumni, une initiative d'anciens participants, pour pouvoir rassembler des données chiffrées sur le suivi des jeunes. Sur ce groupe d'anciens, qui sont encore étudiants, plusieurs ont des projets d'entreprises en parallèle. Il y a aussi un projet de mini entreprise créée lors de l'un de nos programmes, qui a réellement ouvert ses portes à la fin des études des fondateurs. Vous voyez: il y a des histoires, il nous faut encore pouvoir les rassembler!
Plusieurs de vos programmes s'appuient sur des volontaires du monde entrepreneurial ou de l'entreprise. Comment les recrutez-vous?
C'est un challenge chaque année! Nous avons des campagnes de communication clé, mais nous comptons aussi et surtout sur nos réseaux: les entreprises sponsors ou partenaires, le bouche à oreille. Certains volontaires viennent aussi d'eux-mêmes, parce qu'ils ont entendu parler de nous. Pour cette année, nous sommes presque au complet, il ne nous en manque que 3!
L'association a plus de 10 ans d'existence, avez-vous constaté une évolution de la mentalité des jeunes ou de l'enseignement?
Les jeunes maintenant grandissent avec les nouvelles technologies, ils sont habitués à les utiliser mais ne sont pas forcément conscients de ce qu'il y a derrière. Ils se posent également plus de questions sur le sens de ce qu'ils voient et ce qu'ils font, et sur ce qu'ils peuvent apporter à la société ou à l'environnement. Ce sont des sujets beaucoup plus présents dans les questions des jeunes aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Les projets qu'ils développent avec nous sont donc souvent axés sur le développement durable, l'économie circulaire, le social.
Ils ont par contre plus de mal à se concentrer, car ils reçoivent tellement d'informations à gauche et à droite, avec tous ces écrans, qu'ils ont du mal à les canaliser et les analyser. Ils ont cependant un fort désir de participer, d'être actifs, ce qui n'est pas vraiment ce qu'on leur propose dans les cours classiques.
Au niveau de l'enseignement, les choses évoluent beaucoup plus lentement. Certaines écoles sont ouvertes au changement et tendent vers le "learning by doing", mais les enseignants ne sont pas assez formés à la situation actuelle de l'économie pour régir et former les jeunes de manière optimale. La plupart ne connaissent pas les secteurs porteurs, les dernières technologies, n'ont jamais entendu parlé de "biotech" par exemple. C'est important de garder les cours fondamentaux, comme les langues ou les mathématiques, mais certains cours gagneraient à être plus dans la pratique, et plus proches du monde économique.
Il faudrait travailler tous ensemble pour susciter des vocations chez les jeunes.
Quelles seraient selon vous les pistes à creuser, les actions à mettre en place pour susciter des vocations chez les jeunes?
Il faudrait travailler tous ensemble, le gouvernement, l'enseignement, les associations, les jeunes, le privé, pour voir cet objectif rempli à long terme. Tout le monde est concerné, car cela va influencer l'avenir du pays. On parle beaucoup des étrangers qui viennent s'implanter au Luxembourg, et c'est très bien, mais on oublie parfois qu'il y a aussi beaucoup de potentiel chez les Luxembourgeois.
Chaque année nous touchons à travers nos programmes 10000 jeunes, nous avons 400 volontaires du monde économique impliqués dans les programmes, et nous collaborons avec beaucoup d'écoles du pays. Nous travaillons pour l'éducation des jeunes en particulier, mais aussi pour l'éducation de la population en général. Nous avons cependant encore du mal à nous faire connaitre du grand public.
Que pensez-vous du système entrepreneurial local?
Je pense que les choses ont beaucoup changé ces dernières années. Avant, les quelques initiatives lancées étaient isolées. Maintenant, les acteurs de l'éco-système se sont rendus compte qu'il valait mieux travailler ensemble. C'est d'autant plus facile que le Luxembourg est petit, c'est facile de créer des connexions. Il y a encore de la marge de progression, mais ça va dans la bonne direction.
Avez-vous un dernier mot?
Je voudrais insister sur le fait qu'il faut croire au potentiel de la jeune génération. Elle est souvent critiquée mais elle a beaucoup à apporter si elle est correctement motivée et encadrée. C'est une responsabilité collective de les éduquer au mieux, notamment vers l'entrepreneuriat.
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